Des Banques sans argent
Contribution prononcée au début du Colloque du DEUST à Evry en séance plénière.
début abandonné à la lecture
Dans les années 1980, ici, à Evry, j’ai participé, à la mise en place d’un Réseau d’Echanges Réciproques de Savoirs, qui permettait aux locataires des cités d’origines très diverses, d’échanger des savoirs faire, de s’enrichir de la culture des autres et d’être reconnus comme des personnes à part entière.
J’ai toujours été preneur, dans un cadre professionnel, de solutions capables d’améliorer le sort des « inadaptés scolaires » et des « cas sociaux », appellations déposées par les institutions qui entretiennent leur distinction.
Dans un numéro spécial de la revue ESPRIT sur le travail social, à la fin des années 60, j’avais commis un article Assister c’est exclure, ce qui ne m’empêchait pas de participer au montage de maisons d’enfants à caractère sanitaire et social ou à des structures d’accompagnement pour des malades de l’alcool. (« Vivre libre »)
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Vous avez dit « enjeux » ?
Pour des raisons professionnelles et personnelles, sur lesquelles il est inutile de revenir,
j’ai connu, comme beaucoup parmi vous, la recherche de combinaisons, de ficelles statutaires, et des sous, forcément, qui permettent de trouver des locaux, des compétences,
de faire quelque chose de positif avec les maigres moyens du bord et de ne jamais, jamais abdiquer devant la fatalité de la misère.
Cette recherche, elle met bien évidemment en jeu nos qualités de cœur et nos capacités d’imagination pour tirer le meilleur parti des institutions d’Etat ou des conditions locales.
Mais elle met aussi en jeu, et c’est beaucoup plus grave, la façon dont nous participons,
dont nous collaborons au maintien, voire à l’extension, d’institutions qui engendrent toujours davantage d’injustices sociales et de destruction de l’environnement.
Ayons donc le courage de reconnaître que notre générosité, notre solidarité avec plus démuni que nous, nos capacités de gestionnaires sont trahies
par les moyens mêmes dont nous disposons pour les mettre en œuvre.
Comment rendre cette trahison PLUS SUPPORTABLE, comment s’en arranger, comment ruser avec elle, sera la musique de fond, l’enjeu, de la plupart des interventions qui vont suivre.
Ces petits arrangements avec le diable, je ne les condamne pas, je les REGRETTE,
et je dois encore, comme tout le monde, FAIRE AVEC, comme on dit.
Mais comment les EVITER ? Tel est pour moi le véritable enjeu. Car les éviter c’est possible, et c’est ce que je vais vous brosser à grands traits en vous demandant d’avancer votre calendrier en 2060, pour suivre les aventures imaginaires d’un personnage central de l’environnement économique actuel.
Les aventures d’Archimède-le-Banquier
Nous voici donc aujourd’hui en octobre 2060, je dis bien 2060. Il y a aujourd’hui cinquante ans, qu’un employé de banque, du nom d’Archimède, prenait son bain quotidien.
C’était un bain de foule, dans un supermarché.
Au moment du passage en caisse, comme chaque soir, il s’apitoya sur les tympans de la caissière, astreinte aux bip, bip criards, qui signalaient l’enregistrement des articles.
Pour lui aussi la journée avait été longue. Toute la journée, il avait cherché avec ses clients
combien ils pourraient lui emprunter et comment ils rembourseraient.
Quel que soit le cas, leur affaire devait rentrer davantage d’argent qu’elle n’en avait emprunté. Il fallait donc qu’elle ait fait d’une manière ou d’une autre des profits.
Des profits monétaires. Je me permets d’insister sur ce mot, qui est sorti de notre vocabulaire, puisque aujourd’hui, en 2060, en fait de profits, nous ne connaissons plus que les profits humains et écologiques. Les profits monétaires sont allés dans les poubelles de l’histoire.
Toute la journée Archimède le banquier avait donc souffert du fait que créer d’authentiques richesses matérielles comme des panneaux solaires ou mobiliser des richesses humaines, tout ça soit soumis à des questions de gros sous tout à fait triviales.
Mais, bon, c’était comme ça.
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Et puis le voilà devant sa caissière favorite, et il entend
un gamin demander à sa mère pourquoi ça fait bip, bip ?.
Archimède connaît évidemment la réponse.
Chaque bip, à l’époque, je me permets de vous le rappeler, activait deux circuits.
Le premier, qui a résisté au temps, celui du renouvellement des produits sur les rayons.
La centrale d’achat était à l’époque déjà informée en temps réel de ce qui risquait de manquer.
Le second circuit, que nous avons aboli, était celui de l’échange monétaire,
un certain versement d’argent en contrepartie de l’objet acheté.
Mais, se demande tout à coup Archimède, qu’est-ce qui se passerait si le second circuit tombait en panne ?
Moitié de bip-bip à entendre.
La douchette de la caissière continuerait de faire des bisous aux codes-barres de l’autre circuit, celui qui signale les produits à renouveler sur les rayons.
Les entrepreneurs répercuteraient l’information sur leurs fournisseurs.
Et les fournisseurs sur d’autres fournisseurs.
Si le premier circuit, le circuit monétaire tombait en panne, la chaîne d’informations matérielles, continuerait de jouer tranquillement, tout comme aujourd’hui, en 2060, quand il n’y en a plus dans la zone la plus proche, on va chercher plus loin.
Tout ça nous paraît aujourd’hui évident,
mais imaginez un peu l’orage
dans le théâtre crânien d’un homme du début de ce siècle.
Monté comme il avait été monté, le cerveau gauche d’Archimède, le cerveau des conventions, entre dans un état de super-stress.
Car pour renouveler ces marchandises, dit le cerveau gauche d’Archimède au cerveau droit du même,
il faut bien des sous ?
Mais le cerveau droit, le cerveau imaginatif, il se rebelle. Oh toi, avec tes sous !
Tous les jours tu te plains que les sous qui permettent de créer des richesses, ils peuvent aussi bien faire barrage à des choses formidables, quand ils manquent ?
Tu sais bien, pourtant, tu le sais, que si les jeunes sont sans emplois, et les avant-papys aussi,
si les gens descendent dans la rue pour réclamer des sous, si le régime de retraites est branlant
et la Sécu ruinée, si les peuples n’ont plus le droit de se nourrir eux-mêmes, et j’en passe,
c’est à cause des sous, de la façon dont on les met en colonnes ?
Les produits, les richesses humaines et matérielles, pourtant, elles / sont / là,
mais elles sont inutilisables si elles ne font pas des bilans monétaires corrects.
Tout ça tu le sais au point d’avoir déclaré l’autre jour, que c’était une honte, et que cette honte, on te payait pour l’entretenir. Alors cesse d’avoir honte et conclus !
Euréka, s’exclame alors Archimède. J’ai trouvé !
Il s’est dépêché de le faire savoir. Sa découverte arrivait au bon moment. Et c’est ainsi que nos banques, en 2060, ont survécu à la déconsidération générale dont elles souffraient aux alentours des années 2009-2010, et sont devenues le pivot du bonheur social et écologique.
La banque 2060
Aujourd’hui, n’importe quel quidam peut avoir une idée d’entreprise ou d’améliorer les conditions de vie. Il se présente à nos banques - comme avant, mais plus pour chercher des sous
Voilà près d’un demi-siècle que nos banques ne savent plus ce que c’est.
Nos banques sont devenu des banques d’accès.
accès n°1, accès aux données,
des données informatisées par des systèmes qui ont bien amélioré les antiques codes-barres,
et accès n°2, l’accès aux ressources, quand le projet d’entreprise a été accepté.
Le candidat entrepreneur, dans nos locaux ou chez lui, pianote son projet, un projet aussitôt mis en relation avec ce qui se fait déjà dans la même gamme de produits et services.
Depuis cinq mille ans qu’il y a des hommes et qui créent, rares sont les créations qui ne ressemblent à aucune autre.
Il va donc trouver des propositions parentes de la sienne et y introduire des variations, dont les effets sont aussitôt calculés, en fonction de ce qui existe déjà, machines et compétences en fonction de ce qui manque, et de la renouvelabilité de toutes ces contraintes matérielles.
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A tous les stades de ce genre de recherches, nous avons mis au point des mécanismes que nous qualifions de prudentiels, des mécanisme qui optimisent le projet dans le sens d’une moindre dépense de transports, d’énergie, d’emballage, de travail et j’en passe.
La renouvelabilité a toujours été notre grand souci, un souci tout concret, mais où la spéculation monétaire, aujourd’hui, n’intervient plus.
Aujourd’hui, quand le projet a pris forme, et qu’aucun clignotant ne signale de danger,
il peut entrer en application, dans un certain périmètre expérimental, c’est-à-dire à condition que l’expérience puisse à tout moment être arrêtée.
Notre démocratie 2060 joue donc à fond son rôle : tout le monde a le droit d’inventer, d’expérimenter, et de faire objection sur place, sans devoir réunir un million de pétitionnaires mécontents.
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Aujourd’hui plus d’inflation, plus de spéculation. Quand l’offre risque de dépasser par trop la demande, on arrête de produire, et ce n’est pas la ruine pour tout un bassin d’emplois.
Plus de chômage. Fini les travailleurs usés avant l’âge. Nous sommes devenus maîtres de nos usages, commandés autrefois par l’argent et en fonction de ce qu’ils rapportaient.
Nous avons obtenu la décroissance matérielle, puisqu’il ne faut plus faire de profits croissants en vendant n’importe quoi.
Nous ne prenons pas plus qu’il n’en faut dans nos magasins, puisque nous sommes assurés d’avoir toujours assez. On ne voit plus de ventres vides devant les magasins pleins, dont les invendus vont à la décharge.
Nous avons récupéré plein de ressources locales, nous en avons même inventé de nouvelles, que les exigences de rentabilité interdisaient d’exploiter. Nous avons retrouvé le droit de manger local. La liberté d’entreprendre et d’échanger n’a jamais été aussi garantie, elle n’a jamais été aussi solidaire.
retiré à la lecture [Ce n’est pas par vertu que nous consommons moins.
C’est parce que nous n’avons jamais été aussi libres
de nous investir dans les activités de notre choix.
Nous ne sommes plus obsédés par l’Avoir, avoir toujours plus et mieux.
L’indice de bonheur partagé n’a jamais été aussi élevé.]
comment s’est opéré le basculement ?
Comment ce bouleversement s’est-il produit ?
En fait, en 2010, tous les moyens matériels qui ont permis de passer à une démocratie
où ce n’est plus l’argent qui décide mais les usagers en fonction de leurs expériences
tous ces moyens étaient déjà au point.
Nos codes prudentiels étaient en germe avec les normes Iso 26000, par exemple,
et d’autres dispositifs pilotés par certains Etats ou l’ONU (cf Le Monde Economie 20.10.2010)
Mais la prudence était évidemment limitée par les profits à faire,
comme on l’a vu au moment de l’échec de plusieurs sommets dits « écologiques ».
Pour en finir une bonne fois avec la mesure des hommes et des choses par l’argent,
il suffisait d’abolir la monnaie, et avec elle les profits monétaires et les hiérarchies salariales (qui allaient je vous le rappelle de 1 à 400).
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Tout s’est passé comme en 1789, où deux mois, ont suffi pour jeter par terre la féodalité.
En 2010-2011, suite à la réduction des dettes d’Etat que les peuples refusaient d’endosser,
suite à l’allongement de la durée de travail et des séquelles d’une crise financière, « les gens », comme on disait alors, étaient dans la rue. Ils ont créé un désordre épouvantable, commencé à couper des riches en deux.
Les gouvernements ont pris peur,les syndicats, traités de complices, ne maîtrisaient plus rien.
Il a fallu calmer le jeu en convoquant des Etats Généraux de l’Europe.
Les principes de la nouvelle économie, solidaire socialement et environnementalement, ont vite été compris et mis en application.
Poussés par les mêmes urgences populaires et planétaires,notre système, entièrement fondé sur l’informatisation objective des données, s’est étendue au cinq continents, et quand il y a litige, il se règle dans l’intérêt matériel et culturel de tous ceux qu’il risque de toucher.
Et maintenant…
Revenons en 2010…
Après ces aventures d’Archimède le banquier,
vous ne pourrez plus dire ni laisser dire que le capitalisme est la solution indépassable.
Mais vous pourrez aussi y trouver matière pour travailler à son dépassement,
car il n’y a qu’une façon de le dépasser,
c’est d’abolir les profits monétaires, et pour plus de sûreté, l’argent lui-même.
Ce nouveau paradigme économique que je vous ai présenté, à vous maintenant de vous l’approprier. A vous de le faire connaître à vos étudiants.
Rien n’interdit à un professeur de le leur proposer à titre d’exercice pour faire encore mieux comprendre à quelles contraintes ils vont devoir faire face.
Rien n’empêche une banque de financer des études de faisabilité dont la publication aura, j’en suis certain, un succès considérable !!
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Ce n’est pas un hasard si j’ai appelé mon banquier Archimède
Tout objet immergé dans le circuit économique déplace un certain volume d’activités.
Ce volume est mesuré en argent. L’argent est la mesure de toute chose, et nous trouvons ça juste, alors que l’argent n’arrête pas lui-même de changer de valeur, comme un mètre qui mesurerait tantôt un mètre vingt, tantôt soixante centimètres.
Nous trouvons l’usage de l’argent juste, alors qu’il s’accumule toujours dans les mêmes mains !
Il est temps de voir que les raisons pour lesquelles l’usage de l’argent s’est institué,
ces mêmes raisons obligent aujourd’hui de l’abolir,
puisqu’il a rendu les échanges toujours plus injustes,
et soumis la création de richesses à l’enrichissement monétaire,
à un Marché qui a toujours fait bon marché des hommes et de la planète
et qui, lorsqu’il se met au vert, impose déjà le vert des riches à celui des pauvres
les produits verts qui rapportent le plus et ruinent les concurrents.
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Imaginez seulement ce que nos qualités de cœur, l’esprit de don,
la défense de l’environnement pourraient faire, je dis bien FAIRE,
s’ils ne devaient plus ruser avec les comptes de bilan.
Imaginez le bonheur d’Archimède le banquier quand il pourra faire exclusivement son cœur de métier :
envisager avant toute chose la renouvelabilité des ressources matérielles demandées,
y donner accès à cette condition,
donner aux travailleurs un accès direct au fruit de leur travail,
donner aux chercheurs de tous ordres, entrepreneurs, artistes ou scientifiques
les moyens de poursuivre leurs recherches sans se soucier des retours sur investissements
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Alors, vite, réunissons les faits, les faits, les faits, croisons
toutes les possibilités qui vont déjà dans le sens d’une abolition de la monnaie,
sans devoir passer par le stade de monnaies dites alternatives.
Il y a urgence à mettre en ondes économiques et politiques
un modèle qui dépasse la stérile opposition croissance/décroissance
et débouche sur la prospérité dont nous rêvons tous,
une prospérité écologique et juste, incompatible avec l’usage de l’argent.
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Blog sur la production de framboises biologiques avec une méthode utilisant les "mauvaises herbes" comme engrais-paillage. la technique est une amélioraion du BRF:"Bois,Rameaux Fragmentés". elle nécéssite très peu de matériel donc très peu d'investissement; elle ne nécéssite pas non plus de travail de force style bêchage ou passage de motoculteur. en double-cliquant sur les photos,vous verrez mieux les détails. pour laisser un commentaire, choisir l'identité anonyme.
mercredi 13 octobre 2010
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- paysan bio
- paysan bio producteur de framboises biologiques. passionné par mon métier. mais gêné par le fait qu'il ne procure pas un revenu suffisant pour faire vivre correctement ma famille. c'est elle la priorité,donc je vais certainement changer de métier.
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