Chiffres du chômage : le vrai débat
Le Monde, 10 Octobre 2007
Pierre Concialdi,, Réseau d'alerte sur les inégalités ; Jean-Pierre Guenanten, Mouvement national
des chômeurs et précaires ; Julie Herviant, CGT-Insee ; Sylvette Uzan-Chomat, SNU-FSU-ANPE,
tous les signataires sont membres du collectif Les autres chiffres du chômage.
Face aux soupçons, il est urgent de construire un nouvel indicateur du marché du travail
La controverse sur les chiffres du chômage toucherait-elle à sa fin ? Suite à un rapport des
inspections des finances et des affaires sociales, l'Insee et la direction de l'animation de la recherche,
des études et des statistiques (Dares) ont décidé de renoncer à publier chaque mois un taux de
chômage au sens du Bureau international du travail (BIT). En effet, son évolution mensuelle reflétait
celle du nombre de demandeurs d'emploi inscrits à l'ANPE, donnée dont la signification n'est plus
assurée. L'Insee a annoncé qu'il publiera à l'avenir chaque trimestre un taux de chômage fondé sur
les seules données de son enquête emploi, calculé en utilisant les méthodes recommandées par
l'Office européen de statistique (Eurostat).
Depuis décembre 2006, rassemblés dans le collectif Les autres chiffres du chômage, nous
dénoncions la dérive des chiffres de l'ANPE, dont la baisse reflétait davantage, selon nous, une
gestion de plus en plus agressive des listes de demandeurs d'emploi qu'une réelle diminution du
chômage. MM. Borloo et Villepin juraient n'avoir pas touché au thermomètre et nous accusaient
d'être une poignée d'agitateurs. Aujourd'hui les décisions prises confirment le bien-fondé de nos
critiques et rejoignent certaines de nos propositions.
Pour autant, on aurait tort de croire la situation assainie. La réforme annoncée des indicateurs du
chômage, très technique, apparaîtrait à juste titre comme une manipulation aux yeux de l'opinion
publique, si l'on procédait à un changement de thermomètre sans avoir reconnu l'ampleur exacte de
la déformation due au précédent instrument de mesure. Le rapport des inspections évoque un chiffre
« nouvelle méthode » qui s'établirait à 8,2 %, très proche du taux officiel de 8 % fin juillet.
C'est un rideau de fumée : le changement de mode de calcul prôné pour s'aligner sur Eurostat suffit à
lui seul à faire baisser sur le papier le taux de chômage d'environ 1 point. L'Insee et la Dares doivent
s'interdire pour l'instant de bouleverser les modes de calcul et reconnaître que, sur les deux dernières
années, la baisse affichée de 2 points (de 10 % à 8 %) du taux de chômage officiel en France
métropolitaine était exagérée. Il faut assumer que le taux de chômage se situe aujourd'hui à 9 %,
comme l'indique l'enquête emploi de l'Insee pour le second trimestre. Cela permettra aussi d'en finir
avec les proclamations mensongères, encore entendues récemment, sur le « plus bas niveau de
chômage depuis 1982 ».
Malheureusement, la précipitation avec laquelle l'Insee et la Dares ont annoncé la mise en oeuvre,
sans aucune concertation, de toutes les recommandations du rapport des inspections, montre que les
directions de ces organismes n'ont tiré aucune leçon de leur désastreuse gestion de cette affaire.
Depuis juin, un groupe de travail du Conseil national de l'information statistique (CNIS), présidé par
M. de Foucauld, a commencé à travailler sur les statistiques de l'emploi, du chômage, de la précarité
et du sous-emploi. Ce groupe, auquel participent des experts et des représentants des partenaires
sociaux et des associations (dont nous-mêmes), doit pouvoir mener le débat à son terme. L'Insee et
la Dares doivent attendre ses conclusions avant toute modification dans le mode de calcul du
chômage BIT.
Pour nous, cette question du taux de chômage, si elle est la plus médiatisée, n'est pas la plus
fondamentale. Depuis vingt ans, au-delà de ses fluctuations conjoncturelles, le taux de chômage
oscille autour du même niveau, 9 % à 10 %. Le ralentissement économique qui pointe va
interrompre sa baisse, pourtant récente et limitée. Mais l'essentiel des changements du marché de
l'emploi se joue ailleurs : dans le développement continu et insidieux de la précarité. Les emplois à
durée limitée (CDD, intérim, stages), bien sûr, mais aussi les emplois à bas salaires, les emplois
sous-qualifiés par rapport aux compétences de leurs titulaires, les emplois néfastes pour la santé. La
précarité, des contrats, des revenus, des carrières et de la santé au travail, est de plus en plus
répandue.
Nous l'avons chiffrée à l'aide d'un travail original sur les données des enquêtes emploi depuis 1990 :
selon nous, en 2005, 11,4 millions de salariés, soit 41 % de la population active, se trouvaient en
situation « d'emploi inadéquat » au sens du BIT ;
c'est-à-dire d'un emploi qui ne permet pas de vivre décemment, de prévoir l'avenir, de préserver ses compétences et sa santé.
Cette proportion augmente depuis quinze ans.
Nous ne prétendons pas que ce chiffrage soit à prendre ou à laisser. Mais le débat doit avoir lieu.
Dans les semaines et mois qui viennent, il faut que les diverses propositions des acteurs sociaux et
gouvernementaux se confrontent, au CNIS et ailleurs, avec l'aide et l'éclairage du système statistique
public. Il faut que ce débat débouche sur un nouveau système, légitime et reconnu, d'indicateurs du
marché du travail, reflétant non seulement le chômage total mais aussi les différentes dimensions du
sous-emploi, de la précarité et de l'emploi inadéquat. Pour notre part, nous souhaitons que l'enquête
emploi de l'Insee, dûment renforcée, soit au coeur de ce système d'indicateurs - les données de
l'ANPE étant réservées à des études complémentaires, pour des analyses régionales et locales ou
pour comprendre les motifs de sorties des listes. Si ce débat ne débouche pas, les médias resteront
focalisés sur les infimes variations mensuelles - dénuées de sens - du nombre d'inscrits à l'ANPE ; la
statistique publique ne retrouvera pas sa crédibilité. Et la qualité du débat démocratique sur l'emploi,
le chômage et la précarité continuera de régresser.
Blog sur la production de framboises biologiques avec une méthode utilisant les "mauvaises herbes" comme engrais-paillage. la technique est une amélioraion du BRF:"Bois,Rameaux Fragmentés". elle nécéssite très peu de matériel donc très peu d'investissement; elle ne nécéssite pas non plus de travail de force style bêchage ou passage de motoculteur. en double-cliquant sur les photos,vous verrez mieux les détails. pour laisser un commentaire, choisir l'identité anonyme.
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