Philippe Chibani-Jacquot
Le secteur du batiment vit a l'heure de la reduction des consommations d'energie, via les incitations fiscales et la reglementation thermique.
Mais un facteur important de reduction des emissions de gaz a effet de serre reste en marge des politiques publiques : l'energie grise.
« Dans le cas de la construction d’un immeuble de bureau de 1500 m2, le bilan carbone passe d’une dette de 500 kg de CO2 /m2 a un credit de 300 kg de CO2 /m2 selon le scenario de construction.
De la construction conventionnelle a la plus ecologique », explique Luc Floissac, conseiller environnemental et chercheur a l’Ecole nationale d’architecture de Toulouse. Ce specialiste de l’eco-construction a elabore le logiciel « Cocon » qui permet, notamment, d’evaluer l’energie grise d’un batiment, c’est-a-dire ses emissions de gaz a effet de serre (GES) avant meme qu’il n’ai degage un gramme de CO2 du fait de son usage. Le calcul prend en compte les emissions de GES dues a la production des materiaux1, la construction elle-meme, l’entretien, la durabilite des materiaux et leur valorisation en fin de vie...
35 ans de pollution evitee
Pour exposer un cas concret, la renovation d’un immeuble ancien de 285 m2, destine a accueillir trois logements sociaux dans la banlieue de Toulouse, a ete l’occasion pour l’equipe de Luc Floissac, d’evaluer les differentes strategies de construction en recoupant l’energie grise, la performance energetique mais aussi le cout financier de l’operation (incluant la taxe carbone). Resultat : une rehabilitation conventionnelle aurait produit l’equivalent de 204 kg de CO2 /m2 contre 35,5 pour la solution d’eco-construction mise en œuvre qui allie le feutre de bois et le liege. A raison d’une pollution de 5 kg de CO2/m2 et par an du a l’usage des logements, il faudra 35 ans pour que la renovation ecologique produise autant de GES que la seule renovation du meme immeuble selon des techniques conventionnelles. La solution mise en oeuvre aurait pu etre encore reduite, notamment en preferant des fenetres en bois, plutot qu’en PVC. Mais ce type d’arbitrage a permis de reduire au minimum le surcout du aux eco-materiaux.
Debut de reconnaissance
Jusqu’a maintenant, les politiques publiques ne se sont attachees qu’a la reduction de la consommation energetique du fait de l’usage du batiment pour atteindre l’objectif de division par quatre des emissions de GES du secteur a l’horizon 2050(1).
L’effort, porte par des incitations fiscales a la renovation et la creation de normes dites basse consommation pour le neuf est justifie(2), mais risque de voir ses resultats minimises du fait de l’usage exclusif de materiaux industriels energetivores (monomurs de beton, fenetres en PVC...).
Selon un rapport sur les eco-materiaux des Amis de la Terre publie en 2009, la part de marche des isolants ecologiques (chanvre, paille, ouate de cellulose...) stagne a 2 % depuis dix ans. L’ONG souhaite que les pouvoirs publics fassent du developpement des filieres d’eco-materiaux un enjeu strategique dans la politique de renovation thermique du parc de logement en France. Un premier acte gouvernemental devrait intervenir d’ici le printemps 2010 avec la creation, par le ministere du developpement durable, d’un label « Batiment bio-source » charge de quantifier de l’energie grise d’un un projet immobilier. « C’est un signe positif, mais il est fondamental que des changements reglementaires forts facilitent le developpement des filieres », estime Cyrielle den Hartig, chargee de campagne Changement climatique aux Amis de la Terre.
Les professionnels des eco-materiaux montrent du doigt la reglementation sur la reconnaissance des materiaux de construction qui conditionnent, notamment, l’obtention des garanties decennales par les constructeurs aupres de leurs assureurs.
La realisation d’un « avis technique » par le Centre scientifique et technique du batiment (CSTB) coute aux alentours de 100 000 € pour un produit.
Or un tel document valide la fiabilite du materiau (une laine isolante, une poutre porteuse...) mis sur le marche. Mais cet investissement demeure inaccessible pour les producteurs d’eco-materiaux, dont aucun ne depasse aujourd’hui la taille d’une PME, alors que le secteur industriel se caracterise par une forte concentration des entreprises.
Regrouper la profession
L’ambiance est toutefois a l’optimisme parmi les professionnels. « Le climat evolue, positive Luc Floissac. Il y a dix, nous faisions ricaner. Aujourd’hui, un rapprochement avec les organismes officiels du batiment est en cours ». Le Reseau francais de la construction paille, par exemple, travaille avec le CSTB a la redaction de « Regles professionnelles », document qui etabli un consensus sur les techniques de constructions reconnues.
«Il est totalement indispensable d’etre present dans les instances reglementaires aujourd’hui afin d’etre ecoute et reconnu, le tout est d’avoir les moyens de le faire », explique Bernard Boyeux, vice-president de l’association Construire en Chanvre qui regroupe agriculteurs, architectes, transformateurs de la filiere. Le prochain chantier de l’eco-construction sera d’organiser un reseau interprofessionnel apte a faire nombre, face aux industriels du beton et de l’aluminium.
1. Par exemple la laine de roche, isolant parmis les plus utilise, produit pres de trois fois plus de GES que la laine de chanvre aux capacites isolantes equivalentes.
2.Le parc immobilier en France represente a lui seul plus de 40 % de la consommation energetique francaise, soit 23 % des emissions de GES.
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1 commentaire:
il aura fallu quelques décennies pour interdire et remplacer l'amiante malgré les preuves scientifiques de danger pour la santé...
espérons qu'il ne faudra pas le même temps pour remplacer les matériaux énergétivores dont on a les preuves qu'ils sont dangereux pour l'humanité..
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