L'Amazonie asphyxiee par le soja, Le Monde, 18/09/07
Hubert Prolongeau avec Beatrice Marie
Le petit avion a pris son envol. La foret s'etend a perte de vue, tete immense dont la chevelure tutoie le ciel. L'Amazonie. Le poumon de la planete. La forteresse verte. D'un coup, la dechirure. La foret s'ouvre. Blessee. Rasee. Le poumon tousse. La forteresse se fissure. Le paysage est soudain desole. Des troncs abattus jonchent le sol, les plus resistants n'exhibant plus qu'un moignon noir de fumee. La terre laisse apparaitre sa derniere couche, griffee a mort par les sillons des cultures. Parfois emerge encore de la maree des champs, solitaire et incongru, le tronc d'un chataignier. Un survivant.
L'Etat du Para sera-t-il bientot aussi depouille que son voisin, le Mato Grosso ? Depuis janvier 2003, date d'arrivee de Lula au pouvoir, 70 000 km2 ont ete sacrifies au soja, l'un des plus feroces ennemis de la foret bresilienne. Au debut des annees 1980, il poussait essentiellement aux Etats-Unis, qui assuraient 90 % de sa diffusion. En 2003, les exportations combinees du Bresil et de l'Argentine sont passees devant. L'immense pays de Lula est devenu la patrie du nouvel or vert.
Trois grosses societes americaines ont vu venir la manne : ADM, Bunge et Cargill. Cargill a meme installe a Santarem, troisieme ville amazonienne, un port. Completement illegal. Tous les mois, deux cargos en partent en direction de l'Europe, emportant chacun 90 000 tonnes. "Le soja devore l'Amazonie. Je ne reconnais plus ma ville", dit Cayetano Scannavino, membre de l'ONG Sante et bonheur.
Dans les rues de Santarem, on voit de plus en plus de gros 4×4, conduits par des gauchos venus du sud du pays. Depuis qu'un rapport de Greenpeace, "Eating up the Amazon", a mis le feu aux poudres, des autocollants ornent beaucoup de voitures "Greenpeace dehors. L'Amazone est aux Bresiliens". La tension est palpable. A la Cooper Amazon, societe qui distribue des fertilisants, Luis Assuncao, le directeur, ne cache pas sa haine : "Ici, maintenant, c'est la guerre. Une guerre froide."
Au Mato Grosso, le gouverneur de l'Etat, Blairo Maggi, proprietaire de l'usine Amaggi, est l'un des plus gros producteurs de soja au monde. Il a construit une ville entiere, Sapezal, pour loger sa main-d'oeuvre, fait batir a Itacoatoara un port en eau profonde, et propose pour faciliter le transport de bitumer a ses frais 1 770 km de la route BR163. Quand on lui parle deforestation, Blairo Maggi ironise sur la taille de l'Amazonie et affirme que la culture du soja est "benefique". Du moins le faisait-il quand il acceptait encore de parler aux journalistes, tous suspects desormais d'etre des "sous-marins" de Greenpeace.
Retour au Para. Comme tous les dimanches, il y a fete a la fazenda Bela Terra pres de Santarem. Le cuisinier fait griller de gigantesques brochettes. La biere coule a flots. Les hommes sont a peine endimanches, les femmes s'assoient a table en egales. C'est un joyeux brouhaha, une reunion de clan. L'entree est fermee par une grille blanche, un panneau signale la presence de deux chiens mechants.
Entre eux, les producteurs de soja, les sojeiros rigolent, parlent affaires, se serrent les coudes. Devant l'etranger, la mefiance est de mise. Otalhio, 33 ans, fournit des fertilisants et des engrais. Le visage bouffi, il engouffre d'epaisses tranches de viande. Sa mere est bresilienne, son pere uruguayen, et ils vivent encore pres de la frontiere, 5 000 km plus haut. "C'est dur, je ne les vois plus." Il ecrase une larme. Puis se fache. "On nous appelle les gauchos, les bandits, les voleurs..." D'une main conquerante, il montre le sol. "Les gens ici ne font rien de leur terre. Ils restent parce qu'ils ne peuvent pas faire autrement. Ils veulent avoir la tele et aller en ville. Nous, on leur propose une autre maniere de vivre."
Tonio Antares, proprietaire de quelques milliers d'hectares, revendique lui aussi ce droit a massacrer son pays. Petit, les yeux vifs, la peau rougie par un soleil qu'il n'apprivoisera sans doute jamais, il reste convaincu d'apporter avec lui prosperite et civilisation. "Le pays appartient aux Bresiliens. Nous venons aider cette region a se developper."
Mais a qui profite ce developpement ? Marcello da Silva a achete deux pelleteuses et les loue aux exploitants contre un pourcentage de la recolte. De decembre a avril, il est dans le Mato Grosso, de mai a aout dans le Para. Le reste du temps, il conduit des convois. Grand, costaud, les yeux bleus, il evoque plus le cow-boy Marlboro que l'Indien de la foret. Un peu rustre, peut-etre, prompt a aligner les bieres. Mais confiant en son etoile. Le soja le rendra riche, il en est sur. Sa femme, Patricia, veut acheter du terrain. Beaucoup de terrain. "Les Americains vont commencer a planter de la canne a sucre. La, on va gagner beaucoup." Ils vivent a Santarem, aimeraient avoir des enfants. L'avenir leur sourit.
Mais rares sont ceux qui tirent leur epingle du jeu. Le cout social paye a la petite plante est tres lourd. L'Amazonie s'est peuplee par a-coups, sur des promesses non tenues qui, de boom du caoutchouc en construction de la Transamazonienne, ont fait venir les misereux du Nordeste et du Minas Gerais. Ils ont pris des terres, les ont ensemencees, n'en ont jamais eu les titres de propriete. Depuis ils vegetent, prisonniers de ce qu'on appelle pudiquement l'"agriculture familiale". Une proie ideale pour les sojeiros, surnommes a Santarem les "sujeiros" ("salisseurs").
Tout au long de la BR163, la meme histoire s'est repetee. Des hommes sont venus, ont demande a ces petits exploitants de partir en leur montrant des titres de propriete. D'ou les tenaient-ils ? Souvent de l'Incra (Instituto Nacional de Colonizacao e Reforma Agraria), ou la corruption permet l'achat de faux certificats, mis a vieillir dans un tiroir avec des grillons. "Ces gens n'avaient aucune culture de l'argent, explique le Padre Edilberto Sena, infatigable militant ecologiste. Ils ont vendu a bas prix, et tout claque. Ils se sont retrouves demunis, et sans outil de travail."
Au kilometre 38, Marlene Nascimento de Lima pleure ses terres perdues. "J'ai du mal a repasser devant chez nous. Il n'y a plus que des champs. Quarante familles vivaient la..." Elle avait commence par refuser de vendre. Mais les sojeiros ont achete les terrains limitrophes au sien. La vermine, chassee par les pesticides, a envahi son champ. Ses voisins sont partis, elle a fini par ceder...
La violence a eu sa part dans ces conquetes. A Pacoval, en 2004, a deux heures de piste de Santarem, vingt-cinq maisons ont brule. A Corte Corda, deux syndicalistes ont ete tues. A Belterra, ancienne capitale du caoutchouc, on a "force" beaucoup de gens a partir... A Santarem, Ivete Bastos, presidente du syndicat des travailleurs de la terre, a un jour trouve des femmes avec de l'essence devant chez elle, pretes a mettre le feu a la maison... Un ancien legionnaire espagnol, proprietaire d'une salle de musculation a Santarem, se vante d'executer des missions de nettoyage pour les "fazendeiros". Dans la peripherie se multiplient les bidonvilles de bois construits sur des terrains abandonnes.
Regulierement, la police bresilienne fait une descente dans les grandes proprietes et en delivre des esclaves. On les a fait venir en leur promettant des salaires eleves. A leur arrivee dans la foret, ils decouvrent que leur paye a fondu. Des gardes leur interdisent de repartir. Les biens de premiere consommation leur sont fournis par le proprietaire. Ils s'endettent, et ne pourront jamais rembourser. "Ils etaient dans un etat redoutable quand nous sommes arrives", raconte un policier intervenu sur la ferme Vale do Rio Verde en 2005. Il n'y avait pas de sanitaires. Les ouvriers travaillaient pieds nus. Huit mille sept cents de ces esclaves ont ete reperes dans les Etats producteurs de soja. En 2004, l'armee est intervenue dans 236 fermes utilisant 6 075 travailleurs, dont 127 enfants. Bunge, Cargill et Amaggi etaient en affaires avec elles.
Pour mieux aider a l'expansion du soja, des entreprises comme la Cooper Amazon proposent des pesticides et des semences genetiquement modifiees. "La chaine est en place : d'un cote, Monsanto, de l'autre, Cargill", accuse Edilberto Sena. Les pesticides ont deja provoque des ravages ecologiques, le vent portant ceux que deversent les avions jusque dans les rivieres. En 2005, une secheresse terrible a frappe la region. Les poissons mouraient dans des flaques trop petites. Aujourd'hui, 20 % de la foret bresilienne est morte. Meme si un moratoire mis en place en 2006 a donne des resultats positifs (41 % de baisse de la deforestation en 2006-2007), 40 % de l'Amazonie pourraient avoir disparu d'ici vingt ans.
Le pire, ce pire qu'esperent Marcello et Patricia, est peut-etre encore a venir : l'explosion des biocarburants. Vingt millions d'automobilistes bresiliens utilisent deja l'ethanol. Les voitures "flex-fuel", qui laissent le choix entre ethanol et essence, ont represente pres de 80 % des ventes de voitures en 2005. Six cents stations- service commercialisent deja un "biodiesel", dans lequel on retrouve du soja. Ou vont s'installer les plantations ? "Le Bresil sera l'Arabie saoudite du XXIe siecle", prophetisent certains. Jusqu'au desert ?
Le temps que vous lisiez cet article, une superficie correspondant a 75 terrains de football a ete deforestee.
<http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3244,36-956565@51-956672,0.html>
Blog sur la production de framboises biologiques avec une méthode utilisant les "mauvaises herbes" comme engrais-paillage. la technique est une amélioraion du BRF:"Bois,Rameaux Fragmentés". elle nécéssite très peu de matériel donc très peu d'investissement; elle ne nécéssite pas non plus de travail de force style bêchage ou passage de motoculteur. en double-cliquant sur les photos,vous verrez mieux les détails. pour laisser un commentaire, choisir l'identité anonyme.
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- paysan bio
- paysan bio producteur de framboises biologiques. passionné par mon métier. mais gêné par le fait qu'il ne procure pas un revenu suffisant pour faire vivre correctement ma famille. c'est elle la priorité,donc je vais certainement changer de métier.
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