Notre survie passe-t-elle par la decroissance ? «Il faut un choc salutaire», Liberation, 08/10/07
Pascal Canfin (Alternatives Economiques) et Laure Noualhat
Tous les lundis, un expert decrypte une question d’actualite. Aujourd’hui, Serge Latouche.
Alors que les adeptes de la decroissance participaient samedi a Lyon a un contre-Grenelle de l’environnement, Serge Latouche explique pourquoi la societe de croissance a atteint ses limites.
A la place du ministre de l’Ecologie, quelles politiques mettriez-vous en place ?
Le role de l’intellectuel n’est pas de definir des politiques, mais de lancer des idees. Ce qui frappe dans les debats du Grenelle, c’est que le diagnostic de l’impasse dans laquelle nous sommes est partage. Mais on n’analyse pas pourquoi nous allons droit dans le mur. Ce n’est pas la croissance le probleme en soi - on ne peut pas etre contre la croissance de la qualite de l’air, de l’eau, des espaces verts, de la facilite des transports… - mais le fait que nous vivons dans une societe qui a pour seul objectif la croissance pour la croissance. Il faut decoloniser l’imaginaire, pas seulement trouver des mesurettes pour faire en sorte de prolonger la croissance.
S’il en sortait un moratoire sur les autoroutes et les OGM ou un controle des publicites, le Grenelle serait-il un succes ?
Absolument. J’ai lu la plate-forme de coordination des ONG, et je m’y retrouve. Mais je doute que ce programme soit accepte. Comment peut-il etre compatible avec la volonte de realiser un taux de croissance de 3 % par an ? Il y a une vraie contradiction entre, par exemple, le moratoire sur les autoroutes et les projets europeens - de grosses infrastructures de transport : autoroutes, tunnels, TGV…
Vous evoquez la decolonisation de l’imaginaire… Comment se depollue-t-on la tete ?
Ce n’est pas en disant aux gens «travaillez plus pour gagner plus» mais plutot «travaillez moins pour vivre mieux». Il faut ralentir le rythme, la production, la consommation et prendre le temps. De vivre. C’est delirant de proposer a des gens stresses, malades de leur travail, de faire toujours plus. La decolonisation de l’imaginaire consiste a changer les fondamentaux sur lesquels repose notre societe de croissance. A bousculer ce qui prend racine dans la grande mutation qu’a connue l’Occident entre le XVIe et le XVIIIe siecle et que certains appellent la mise sur orbite du mode de production capitaliste.
Comment construire un consensus social democratique pour aller vers une societe de decroissance ?
Le consensus ne va pas tomber du ciel, nous sommes toxico-dependants de la croissance et de la societe de consommation. Or, dans une dependance, il y a deux acteurs : les drogueurs et les drogués. Les premiers sont les plus gros pollueurs de la planete : Monsanto, Novartis, Total, Areva, Nestle, etc. Et les drogués, ce sont nous. Nous sommes plus enclins a frequenter notre dealer pour avoir notre dose quotidienne plutot que d’entreprendre une cure de desintoxication. Avec la crise ecologique, il y a urgence. Il ne faut pas changer uniquement a cause de l’urgence, mais comprendre que nous vivrions mieux autrement. Deja, dans les annees 70, des theoriciens tels Ivan Illitch ou Andre Gorz nous y invitaient. Ils ont preche dans le desert mais ils avaient raison. Leur message etait inaudible car la catastrophe semblait si lointaine…
La croissance verte serait-elle la drogue de substitution pour la desintoxication ?
On ne peut pas atterrir en douceur. Il faut un choc salutaire. Le coup de l’autre croissance, on nous l’a deja fait. Depuis les debuts de l’ere industrielle, ca a pris toutes sortes de formes : l’opposition croissance-developpement, un autre developpement, une autre croissance. En 1972, le president de la Commission europeenne disait «il faut entrer dans une croissance negative». Le college des commissaires s’est accorde sur une «autre» croissance. C’etait il y a trente ans.
C’est une therapie de choc, une desintoxication sans produit de substitution. Pas tres mobilisateur…
L’objectif est un changement radical : la remise en question de la base imaginaire de l’Occident qui consiste a croire que l’homme est maitre et dominateur de la nature. Ce que les Grecs appelaient lubris , la demesure, est incorpore dans notre systeme. Pour passer de la societe actuelle a une democratie ecologique, une societe autonome, eco-compatible, soutenable, on doit imaginer des transitions. Mais il ne s’agit pas de rendre compatible ce qui ne l’est pas, comme le fait le Grenelle, a savoir le developpement et la survie de la biosphere.
- Vous pouvez aussi ecouter (et podcaster) l'emission avec Serge Latouche sur Libelabo.fr
<http://www.liberation.fr/actualite/economie_terre/283173.FR.php>
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Blog sur la production de framboises biologiques avec une méthode utilisant les "mauvaises herbes" comme engrais-paillage. la technique est une amélioraion du BRF:"Bois,Rameaux Fragmentés". elle nécéssite très peu de matériel donc très peu d'investissement; elle ne nécéssite pas non plus de travail de force style bêchage ou passage de motoculteur. en double-cliquant sur les photos,vous verrez mieux les détails. pour laisser un commentaire, choisir l'identité anonyme.
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- paysan bio producteur de framboises biologiques. passionné par mon métier. mais gêné par le fait qu'il ne procure pas un revenu suffisant pour faire vivre correctement ma famille. c'est elle la priorité,donc je vais certainement changer de métier.
1 commentaire:
Ce qui me frappe, c'est également le problème du diagnostic. Très bon texte, qui met en avant la réalité, de plus en plus brutale, de plus en plus proche. Presque tout le monde s'accorde à dire qu'il y a un problème, mais on continue à fuir en avant, on continue à se gaver, et je pense qu'inconsciemment, on (notre société) se gave car elle est de plus en plus consciente, comme si on essayait d'aller dans la cuisine pendant que le bateau coule, essayer de tout bouffer. Nos gosses ? pff on s'en tape, et les générations d'après ? PFF non, avec un peu de chance on sera en super forme à 90 ans, et on veut continuer à se gaver... cette société nous pousse vers une image d'immortalité, la pub est notre idole, et tant que nous consommons ce qui se fait, nous sommes vivants et jeunes, s'arrêter c'est décrocher de la marche de la société, elle nous file entre les doigts. Et ça on ne veut pas.
On veut voir le monde, épingler des punaises de couleur sur une carte google de tous les endroits où on est allé, et en parler...
La décroissance fait peur, je crois que c'est la plus grande peur de notre société, beaucoup plus grande que le terrorisme ou n'importe quel danger... la décroissance c'est le noir dont on a peur étant enfant.
bon j'ai assez théorisé...
merci pour ce texte !
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